Du Mercredi 1 octobre au Samedi 25 octobre 2014 ont eu lieu à la Comédie Claude Volter dans la commune de Woluwe Saint Pierre de Bruxelles, les représentations en première mondiale de la pièce : « De mémoire de papillon », de Philippe Beheydt & Stéphanie Mangez, sur une idée de Michel de Warzée.
Durant le spectacle, un personnage particulier apparaîtra : Patrice Émery Lumumba. Comment ?
Raymond, le personnage principal, un ancien colonial reçoit une aide-soignante à domicile. Leur premier contact est glacial.
On se rendra compte par la suite que Raymond n’est pas totalement maître de sa mémoire. Néanmoins, au fil du spectacle, remontera à sa mémoire une partie de sa vie : la période de la décolonisation du Congo belge avec en filigrane l’ombre de Lumumba, mieux, les derniers jours de l’homme politique congolais en captivité. Il y est, face à un militaire commis à sa garde, qui le tient à l’œil, souvent fusil braqué.
Suivra un enchevêtrement entre les deux récits : la vie de Raymond aujourd’hui en Belgique et ce long flash back composé de plusieurs pans de l’histoire de Lumumba.
Les décors des deux époques se côtoient aussi sur scène : la brousse congolaise, et l’intérieur d’ un appartement en Belgique.
Les quatre personnages évolueront dans cet espace scénique, sans se rencontrer physiquement, mais se croisant dans la thématique avec des moments de complémentarité et même de confrontations.
Même Julie, l’aide-soignante d’aujourd’hui sera rattrapée par ce passé d’il y a un demi-siècle : en fin de spectacle, Raymond lui remettra un cadeau : une peau de léopard. Un souvenir ramené du Congo. Dans les bribes des récits qui remontaient encore à sa mémoire, Raymond y avait fait allusion.
Cinq décennies après la rupture Belgique-Congo, comment ne pas saluer l’initiative de Michel de Warzée de mettre sur la place publique, certes sous la forme théâtrale, le contenu des malles héritées de ses parents ? Combien de descendants de colons y a-t-il en Belgique ? Quelles montagnes de souvenirs n’ont-ils pas ? Sont-ils liés à la position de la Belgique officielle d’être réservée, aphone ou pire, curieusement amnésique, face au mystère « Lumumba » ?
Ce spectacle est une toute petite fenêtre qui s’ouvre sur l’histoire commune entre la Belgique et son ancienne colonie. Que l’ancienne métropole ne daigne toujours pas ouvrir grandement cette fenêtre, n’est-ce pas un aveu de culpabilité ?
Pour l’histoire, Michel de Warzée est né à Lubumbashi au Katanga et parle swahili. Son père, le juge Lemaire de Warzée d’Hermalle est celui-là même qui jugea Lumumba en janvier 1960 pour incitation à l’émeute, condamnant Lumumba à 6 mois de prison, alors que le ministère public avait requis six ans !
« De mémoire de papillon », belle jonction entre l’histoire et le théâtre.
Bruxelles, le 26 octobre 2014
Cheik FITA