De l’avis de plusieurs politologues, « un état digne de ce nom, c’est un territoire, un peuple, des règles et lois, des institutions dont les animateurs ont des mandats définis dans le temps. »
En ce début de la quinzième année du troisième millénaire, la RD Congo notre pays est-elle proche et conforme à cette définition ou pas?
Si l’unanimité s’est faite sur l’illégalité et l’illégitimité de l’actuelle institution « Président », à un niveau de pouvoir presqu’aussi important, une illégitimité toute aussi patente règne : au sénat.
Depuis 2012, monsieur Léon Kengo wa Dondo et ses « sénateurs » font des prolongations à la chambre haute du parlement congolais.
Attitude légale ou non ?
Si monsieur Kengo et ses « sénateurs » sont toujours là, c’est suite à une lecture et une interprétation sélective de l’article 105 de la constitution :
Article 105
Le sénateur est élu pour un mandat de cinq ans. Il est rééligible.
Le mandat de sénateur commence à la validation des pouvoirs par le Sénat et expire à l’installation du nouveau Sénat.
Du mandat
Le mandat du sénateur est de cinq ans, pas plus. Aujourd’hui, Kengo et ses « sénateurs » sont là depuis sept ans, c'est-à-dire, hors mandat. Oui, quand un automobiliste met cinq litres de carburant pouvant lui permettre de rouler sur cinq cents kilomètres, s’il ne se réapprovisionne pas, ce sera la panne sèche, et le véhicule va s’arrêter.
Quand vous achetez un médicament dont la durée de validité est de cinq ans, si vous le consommez au-delà de cette date, soyez-en sûr, c’est plus un poison qu’un médicament que vous consommerez.
Plus loin, la constitution dit ceci :
« Article 110 (modifié par l’article 1er de la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République
Démocratique du Congo)
Le mandat de député national ou de sénateur prend fin par : expiration de la législature ; »
La législature est-elle déjà terminée ? Oui, en 2012. Donc le mandat de Kengo et ses gens a déjà pris fin.
Pourquoi Kengo et Cie se cramponnent-ils ?
À cause de la deuxième partie de l’article :
« Le mandat de sénateur commence à la validation des pouvoirs par le Sénat et expire à l’installation du nouveau Sénat »
Le nouveau sénat a-t-il déjà été installé ? Non.
Comme il n’a pas encore été installé, est-ce à dire que le sénat élu en 2007 doit continuer ?
Là, Kengo et ses gaillards répondent : « Oui ! »
Ont-ils raison ?
Tournons-nous vers la CENI, commission électorale nationale indépendante, dont la mission est d’organiser régulièrement les élections. Sur le site de la CENI, on peut lire ceci dans son chronogramme :
06 septembre 2012 |
Proclamation des résultats définitifs des élections des sénateurs par la Cour Suprême de Justice |
Voir lien : http://www.ceni.gouv.cd/info.aspx?id_page=3&id_rubrique=3
Toujours à propos des sénateurs, la constitution continue :
Article 114
Chaque Chambre du Parlement se réunit de plein droit en session extraordinaire le quinzième jour suivant la proclamation des résultats des élections législatives par la Commission électorale nationale indépendante.
Cette date aurait dû déjà survenir depuis deux ans.
Ce sénat dont la date de péremption est déjà dépassée depuis deux ans, peut-il légiférer ?
Si oui, au nom de qui ?
Ouvrons la parenthèse. Nous avions interviewé monsieur Kengo Wa Dondo à ce propos lors de son passage au parlement belge le 5 mars 2013. Il avait beaucoup de mal à justifier cette prolongation. Et comme pirouette, tout en cherchant ses mots, il avait parlé de la fameuse « cohésion nationale » qui était en gestation. On sait ce qui est advenu à cette « cohésion nationale ». Voir la vidéo plus bas.Fin de la parenthèse.
Dans le climat politique délétère actuel, les prolongations de Kengo et Cie auront-elles une incidence sur l’avenir immédiat de notre pays, de notre vie et sur l’avenir de nos enfants ?
Oui.
En bien ou en mal ?
La réponse à cette interrogation est cachée dans cette phrase publiée il y a quelques jours par les médias :
« Le Sénat et l’Assemblée nationale vont se réunir en session extraordinaire. Celle-ci va se dérouler du 27 décembre 2014 au 26 janvier 2015.
Au cours de cette session extraordinaire, il sera examiné une vingtaine de lois, notamment la loi électorale. »
Dans les jours à venir, que peut attendre le peuple congolais de Kengo et de ses gens ?
Des individus au mandat expiré, qui touchent indûment des émoluments, qui jouissent de différents avantages dont l’immunité, qui votent des lois, qui sont convoqués en congrès, qui sont tentés de modifier la constitution, seront-ils enclin à obéir au souverain primaire qu’est le peuple, dont ils n’ont plus mandat, ou à celui qui leur a permis la prolongation ?
À ce moment-là, ces messieurs et dames, sont-ils un rempart pour la démocratie ou un danger pour la nation ?
Connaissant le penchant actuel du clan « Kabila » de se maintenir au pouvoir par tous les moyens,
Toutes affaires cessantes, le peuple congolais, la société civile, les partis politiques devraient-ils ou pas, se saisir de ce dossier « session extraordinaire du parlement » afin de s’assurer qu’aucune couleuvre n’y sera introduite ?
Les « sénateurs » de Mr Kengo, «l’homme de la rigueur », devraient-ils continuer à narguer indéfiniment la nation ? Ne devaient-ils pas avoir le courage et l’honnêteté de reconnaître qu’ils ont assez profité de la caisse de l’état, qu’ils ne devraient plus jouer avec la vie des millions de Congolais, et qu’ils devraient prendre acte de l’illégitimité de leur institution ?
Cela ne sera-t-il pas à leur honneur ?
Sinon, le jugement très proche de l’histoire pourra-t-il être clément face à leur imposture?
Bruxelles, le 26 décembre 2014
Cheik FITA
NOTA BENE
À titre d’information voici comment se présente actuellement ce sénat issu des élections de 2007, ainsi que la répartition des sièges.