Lundi 18 mai 2015, une plate-forme disant regrouper « des partis politiques, de regroupements politiques et groupes parlementaires de l’opposition, des organisations de la société civile et de la diaspora » a rendu publique une déclaration dans laquelle elle déclinait la demande de monsieur Joseph Kabila pour la tenue éventuelle d’un mini-dialogue en vue des échéances électorales futures.
Cette déclaration constitue-t-elle une avancée dans le processus électoral congolais ou obéit-elle à un calcul politicien?
D’abord, pourquoi monsieur Joseph Kabila a-t-il pris cette initiative ?
Monsieur Joseph Kabila est hanté par une date : le 20 décembre 2016, date à laquelle il devra céder le pouvoir au nouveau Président élu. Cela suppose un processus électoral sans entraves.
À ce jour, monsieur Kabila a-t-il déjà lancé un signal clair montrant qu’il partira et qu’il ne cherche pas à se cramponner au pouvoir ? Non.
Depuis qu’il avait accédé à la direction de la RD Congo, Joseph Kabila ne cherche à dialoguer avec l’opposition que quand il se sent acculé. Une fois ce moment passé, il se rebiffe et récupère tout le pouvoir pour lui.
Avoir annoncé dans les médias d’état la visite de son envoyé à l’UDPS puis au MLC et à l’UNC, procédait-il de cette logique ? Oui : donner une chose d’une main, et récupérer deux ou plus de l’autre.
La constitution verrouillée, la loi électorale bétonnée, la marge de manœuvre de Joseph Kabila est devenue très étroite, et le temps galope. Monsieur Joseph Kabila n’a plus qu’une seule petite issue : le glissement par rapport aux délais constitutionnels. Un éventuel mini-dialogue avec l’opposition est une petite brèche dans laquelle il cherche à s’engouffrer pour des raisons évidentes.
Ceux qui suspectent Joseph Kabila de vouloir obtenir un glissement par rapport aux délais butoirs constitutionnels, ont-ils raison ? Oui.
Quels sont les enjeux du moment en RD Congo ?
Les différentes élections et principalement les provinciales puis les sénatoriales en octobre 2015, enfin, les législatives nationales et la présidentielle fin 2016.
Y a-t-il des pesanteurs dans ce processus électoral ou celui-ci est-il un fleuve tranquille?
Le processus électoral congolais actuel est parsemé de plusieurs écueils dont un grand nombre placés à dessein par le clan Kabila. Et la plate-forme des opposants les a épinglés. Voici les principaux:
« 1. La complexité de l’organisation des élections locales, municipales et urbaines ; elles devraient logiquement être repoussées.
2. La nécessité d’une nouvelle opération d’enrôlement, en ce compris les nouveaux majeurs depuis le 27 novembre 2011 afin de constituer un nouveau fichier électoral fiable et produire de nouvelles cartes d’électeur.
3. Le respect de la Constitution en ce qui concerne la date du 27 novembre 2016 prévue par la CENI. »
La date constitutionnelle pour la présidentielle c’est 90 jours avant la passation des pouvoirs soit le dimanche 18 septembre 2016, et non la date du 27 novembre proposée par la CENI. Cette date constitue un glissement par rapport à la constitution.
Le respect de ces conditions minimales est-il acquis ? Non. Et cela ne dépend que de la seule volonté de monsieur Kabila qui a sous sa botte la CENI, commission électorale nationale indépendante, et bien d’autres institutions nationales.
Avoir claironné ces écueils lors d’une conférence de presse, suffira-t-il à faire changer monsieur Kabila de position ? Non.
Cette frange de l’opposition pourra-t-elle avoir gain de cause sans un minimum de dialogue avec le clan Kabila ? Peu probable, pour ne pas dire non.
Le fait même d’adresser au clan Kabila cette déclaration en réponse à la démarche de son envoyé Kalev, est un début camouflé de dialogue.
Quand monsieur Joseph Kabila et son clan ont décidé d’ouvrir une brèche pour le mini-dialogue, étaient-ils conscients de leur ascendance du moment sur l'opposition? Oui.
Et si monsieur Joseph Kabila faisait la sourde oreille, quelle serait la parade de cette frange de l’opposition ? Autrement dit, de quoi l’opposition dispose-t-elle comme atout pour forcer la main à Joseph Kabila ? Équation !
Voici la conclusion de cette plate-forme de l’opposition par rapport à un éventuel mini-dialogue: « En d’autres termes, l’Opposition Politique Congolaise ne trouve pas d’opportunité d’un dialogue qui risque de nous entraîner dans un schéma de transition et de déboucher au glissement du calendrier électoral en violation de la Constitution. »
Cette conclusion est-elle suffisamment puissante et étoffée pour ébranler le camp de Kabila ? Équation !
Cette prise de position est-elle innocente ou sommes-nous en présence de calculs politiciens fruits d’ambitions dissimulées des uns qui se voient déjà remplacer Joseph Kabila, et de frustrations à peine voilées des autres? Parmi ces derniers, ceux qui n'ont pas été consultés par Kalev, et considérés comme quantité politique négligeable par le clan Kabila !
Cette déclaration est-elle suffisamment rassembleuse? Pour le peuple, n’apparaît-elle pas comme une expression du tiraillement entre deux forces centripètes : celle de la survie politique de Joseph Kabila et son clan d’une part, celle de la course au pouvoir de certains politiciens d’autre part ?
Moralité ?
La réussite du processus électoral actuel est tributaire du respect, le plus grand possible, de l'aspiration politique profonde et légitime du peuple congolais. C’est celle-ci : un changement radical de système de gestion de la république. Le profil des nouveaux animateurs devant être aux antipodes de celui que le mobutisme et le kabilisme ont imposé au pays depuis des décennies à savoir, des politiciens sournois calculateurs, aux ambitions démesurés et égoïstes. Autrement dit, la mise au ban des animateurs véreux quelque soit le niveau du pouvoir, de la base au sommet.
Le peuple congolais doit, et rester vigilant face aux différentes manœuvres des politiciens, les recadrant en cas de nécessité, et en cette période électorale en vue, garantir sa jouissance, la plus grande possible de son droit d’expression qu’est le vote, quitte à imposer sa propre dynamique le cas échéant.
Bruxelles, le 18 mai 2015
Cheik FITA
source photo d'illustration: UNC