Dans un arrêt rendu public le mercredi 11 mai 2016 par la Cour Constitutionnelle congolaise on peut lire ceci :
« Suivant le principe de la continuité de l’État et pour éviter le vide à la tête de l’État, le président actuel reste en fonctions jusqu'à l'installation du nouveau président élu ».
Si la Cour Constitutionnelle a été saisie pour qu'elle se prononce sur la fin définitive du deuxième et dernier mandat du Président Joseph Kabila, c'est parce qu'il y a une crise politique aiguë en RD Congo.
Quelle est cette crise ?
- Et ceux qui sont au pouvoir, et l'opposition, tout le monde le sait, les résultats publiées par la CENI en 2011 étaient tout, sauf conformes à la vérité des urnes. Cette année-là, il y avait eu un véritable hold-up électoral.
Frustration du peuple.
Après s'être longtemps cramponné au pouvoir par la force des armes aux lendemains de ce hold-up électoral, c'est par tolérance qu'il a été permis à Joseph Kabila d'accomplir son deuxième et dernier mandat à la tête du pays.
Frustration du peuple.
La constitution stipule que 90 jours avant la fin du mandat du Président, la CENI convoque l'électorat pour la présidentielle. C'est une évidence qui ne demande même pas réflexion.
Depuis fin 2011, la CENI, Commission Électorale Nationale Indépendante qui doit organiser les élections de façon régulière traîne des pieds. Au lendemain du scrutin de 2011, elle devait actualiser régulièrement le fichier électoral en inscrivant progressivement les nouveaux électeurs devenus majeurs, en élaguant les morts... Jusqu'à ce jour, elle ne l'a pas fait.
Frustration du peuple.
En temps utile, la CENI devait publier le calendrier électoral et l'exécuter conformément à la constitution, elle ne l'a pas fait.
Frustration du peuple.
Chaque année et depuis 2012, le gouvernement devait mettre à la disposition de la CENI les moyens nécessaires pour l'organisation des élections. Durant des années, le gouvernement s'est illustré par une insouciance et une désinvolture totales.
Frustration du peuple.
Durant l'actuelle législature, ce qui sert de parlement devait adopter les lois susceptibles de faciliter le travail de la CENI, il brille par son insouciance et des querelles de clocher.
Frustration du peuple.
Durant son deuxième et dernier mandat, Joseph Kabila, le Président de la République qui a juré de faire respecter la constitution et les lois de la République, a-t-il éradiqué la léthargie, l'insouciance et l'irresponsabilité de toutes ces institutions ?
Frustration du peuple.
Comme une véritable association de malfaiteurs, à six mois des élections, en synergie, les animateurs de toutes ces institutions pondent un gros œuf,à l'intention du peuple qui les nourrit par la sueur de son front :
- Un arrêt permettant à Joseph Kabila de rester à la tête du pays sans mandat électif !
Cet arrêt du 11 mai va-t-il dans le sens de la résolution de la forte crise politique congolaise, ou dans celui de l'accentuation de celle-ci ?
Cet arrêt va-t-il calmer les multiples frustrations extrêmes du peuple congolais, accumulées durant des années, ou les exacerber ?
Par son arrêt du 11 mai 2016, la Cour Constitutionnelle n'a-t-elle pas couvert le feu de la crise politique congolaise avec une couverture imbibée d'huile?
Bruxelles, le 12 mai 2016
Cheik FITA