Depuis la signature de l'accord de la Saint Sylvestre, deux mois se sont écoulés, soit un sixième de la période de transition, sans que le Premier Ministre de transition ne soit connu ni n'entre en fonction.
À quoi ce retard est-il dû et quelles pourraient en être les conséquences ?
Le 19 décembre 2016 à 23h59, le deuxième et dernier mandat de Joseph Kabila à la tête de la RD Congo avait pris fin.
Dans l'accord de la Saint Sylvestre, en contrepartie d'une année de plus pour monsieur Kabila au pouvoir, ses délégués aux négociations avaient accepté que l'opposition prenne la primature, ainsi que la Présidence du CNSA, le Conseil National du Suivi des Accords.
Certaines institutions du pays, toutes aussi illégitimes pouvaient rester en place malgré qu'elles étaient sous la coupe du clan Kabila.
L'accord de la Saint Sylvestre entrait en vigueur le jour de sa signature.
Première conséquence : Le 1er janvier 2017, Joseph Kabila commençait un mandat transitoire de douze mois.
Deuxième conséquence, Étienne Tshisekedi, Président du comité des sages du « Rassemblement » commençait également un mandat de douze mois à la tête du CNSA,
Troisième conséquence, le Président du CNSA devait désigner le Premier Ministre.
Le 31 janvier, un mois après la signature de l'accord, à cause des manœuvres du clan Kabila, la RD Congo n'avait toujours pas de Premier Ministre de transition. Pourquoi ?
Dès le lendemain de la signature de l'accord, riches en inventions abracadabrantes et loufoques, les membres du clan Kabila rivalisant d'ardeur dans la recherche d'inspirations démoniaques lancèrent sur la place publique une ineptie digne des films d'horreur:
Ignorant à dessin leur signature du 31 décembre, les membres du clan Kabila demandaient au « Rassemblement » de proposer au moins trois noms afin de permettre au Président de la République de choisir dans le lot.
Un membre du clan avait même réussi à battre ses collègues en pitrerie en affirmant pince-sans-rire que le Président ne pouvait avoir un Premier Ministre avec lequel il ne s'entendrait pas !
Moulés au monopartisme du temps de Mobutu puis maintenant au monolithisme, les kabilistes n'avaient même pas été assez intelligents pour constater que la situation de l'après accord de la Saint Sylvestre s'appelle cohabitation : Un Président et un Premier Ministre que tout oppose.
Tenez. En France par exemple, le Président socialiste François Mitterrand avait dû cohabiter avec Jacques Chirac qui était tout, sauf son ami.
Devenu Président, Jacques Chirac avait dû à son tour s'accommoder de la présence du socialiste Lionel Jospin comme Premier Ministre. Et Dieu seul sait à quel point l'un et l'autre se désignaient pratiquement par des noms d'oiseaux dans leurs prises de positions politiques.
À partir du 1er février, profitant du décès d’Étienne Tshisekedi, le clan Kabila entre même dans le registre du calcul macabre en cherchant à palabrer avec un défunt, dans le désir de récupérer le pouvoir perdu dans l'accord de la Saint Sylvestre, et si possible, ramener la RD Congo dans la situation politique de l'avant 19 décembre 2016.
Ce comportement a une dénomination: « les kabilistes prennent les Congolais pour des idiots. »
Ces manœuvres de bas-étage pourraient-elles durer indéfiniment ?
Non.
Ces contorsions politiques n'aboutissent qu'à un résultat : elle bloquent le pays dans tous les domaines :
1. Politiquement, le gouvernement Badibanga artificiellement maintenu fait de la figuration. Sans soutien intérieur, sans appui extérieur :
- Il est incapable d'assurer la sécurité des biens et des personnes,
- Il est incapable de protéger les frontières nationales,
- Il est incapable de booster la machine du processus électoral,
- Il est incapable de coordonner les différents rouages de l'état,
- Et il n'existe plus que dans les reportages du journal télévisé de la RTNC, la chaîne nationale.
2. Économiquement le pays tourne au ralenti : de moins en moins d 'investissements, avec comme conséquence la diminution de la richesse nationale à éventuellement redistribuer,
3. Socialement, il y a augmentation de la misère, levain de la grogne sociale, capable d'exploser à tout moment,
4. Culturellement, le génie créateur du congolais est inhibé par ce climat général de désolation.
Et en définitive, c'est le peuple tout entier qui trinque. Peuple pour qui le clan Kabila prétend naïvement se maintenir au pouvoir, en réalité, pouvoir pour le pouvoir !
Si le clan Kabila ne se plie pas aux contraintes de la cohabitation, la nouvelle donne politique congolaise aujourd'hui, ce pouvoir qu'il croit détenir et qui est en réalité une bombe à retardement, pourrait lui exploser au visage à tout moment.
Bruxelles le 27 février 2017
Cheik FITA