Lors du sommet de l'Union Africaine qui s'est ouvert à Addis-Abeba le dimanche 28 janvier 2018, nos confrères de RFI ont interviewé le Secrétaire Général de l'ONU, monsieur Antonio Guterrez à propos des missions des casques bleus de l'ONU.
Abordant le point de la MONUSCO, Mission de l'ONU en RD Congo, nos confrères ont posé la question suivante au Secrétaire Général de l'ONU:
" Au Congo-Kinshasa le Président Kabila a eu des mots durs contre la force MONUSCO or dans votre mandat dans ce pays, il y a notamment l'organisation des élections. Est-ce que cette partie de votre mandat embarrasse le Président Kabila? Est-ce la raison pour laquelle il menace à demi-mot la MONUSCO?
Réponse du Secrétaire Général de l'ONU:
"Je crois que ce n'est pas la première fois, c'est toujours facile quand les choses ne vont pas bien d'essayer d'avoir un bouc émissaire...". Puis petit rire.
"Les choses ne vont pas bien". Si un si haut responsable se permet de dire cela de la gestion d'un dirigeant, cela veut dire que le dirigeant a vraiment échoué.
Joseph Kabila ne l'a-t-il vraiment pas cherché?
En improvisant sa conférence de presse du 26 janvier 2018, pour célébrer ses 17 ans de présence à la tête du grand Congo, le désormais Président hors Mandat Joseph Kabila n'a sans doute pas mesuré la portée de son acte.
Muet comme une carpe durant des années, Joseph Kabila a compris qu'au niveau actuel de la situation politique congolaise, il ne pouvait plus se permettre de rester silencieux, en envoyant régulièrement ses nombreux perroquets ânonner ce que lui le maître voulait bien communiquer.
Il devait désormais parler lui-même.
Malheureusement, cela est mortel pour le régime de Kabila. Pourquoi?
La situation actuelle en RD Congo est une situation de guerre qui ne dit pas son nom: Guerre Kabila-Peuple.
Pourquoi?
En se maintenant à la tête du pays sans mandat, c'est une violation de la constitution, la loi des lois, la volonté du souverain primaire. Le peuple ne peut que chercher à se révolter, à se battre contre l'imposteur, à appliquer l'article 64 de la constitution. Ce qui arrive actuellement...
- Durant des années, Joseph Kabila s'est lourdement armé pour se maintenir au pouvoir. Il était convaincu que pour être déboulonné, ses ennemis que sont les partis politiques et la société civile devaient un jour ou l'autre recourir à la force des armes. Là, il se sentait fort. Il ne ferait qu'une bouchée des éventuels apprentis-rebelles.
Il pouvait ainsi avec toute l'arrogance, traficoter la constitution, piétiner les accords, acheter des opposants désargentés ou cupides, imposer des lois iniques, mener du bout du nez la CENI, Commission Électorale Nationale (dite) Indépendante, imposer des élections à sa façon... Rien ne lui arriverait, pensait-il.
- Joseph Kabila et ses acolytes ont peut-être perdu de vue que pour gagner la guerre, la kalachnikov est peut-être utile, mais pas suffisante. Il y a un volet important dans la guerre qu'ils ont sous-estimé: c'est la communication. Qui dit communication, dit, l'art de la parole.
Les mensonges de ses perroquets ayant atteint leurs limites, lui le commandant suprême de la soit-disant "Majorité Présidentielle" a été contraint de descendre dans l'arène, et de s'essayer à l'art de la parole.
Hélas, durant tout le temps où lui achetait des fusils et des chars de combat, ses adversaires occupaient le terrain de la communication par la presse, les prêches des prêtres, le combat civique de la société civile et des défenseurs des Droits de l'Homme...
Maintenant que Joseph Kabila est arrivé sur le terrain de l'art oratoire, le maestro congolais en la matière avait déjà miné le terrain, entendez: le Cardinal Monsengwo.
Or, le cardinal Monsengwo n'est pas seul. Derrière lui, il y a les évêques, derrière les évêques, il y a les prêtres, derrières les prêtres, il y a les laïcs chrétiens, derrière les laïcs chrétiens, il y a tous les chrétiens, et derrières les chrétiens, il y a les 80 millions de Congolais qui souffrent, qui se reconnaissent dans ce combat pour la liberté, pour chasser la dictature...
Oui, ce que veut aujourd'hui défier Joseph Kabila, c'est une véritable armée: et c'est trop tard.
Kabila et ses acolytes ne sont pas armés pour ce combat. Il n'y avait qu'à voir la tête des Kabilistes lors de l’homélie du Pasteur Ekofo... Un autre as de l'art de la parole.
Piètre stratège, lors de sa sortie médiatique risquée du 26 janvier 2018, Joseph Kabila a ouvert un front contre les partis politiques de l'opposition, contre la société civile, contre la Belgique, Et contre l'ONU via la MONUSCO.
Le Secrétaire Général de l'ONU vient de lui répondre en lui administrant une véritable baffe, comme à un écolier qui a oublié de faire son devoir :
" c'est toujours facile quand les choses ne vont pas bien d'essayer d'avoir un bouc émissaire..."
Qui dit mieux?
Bruxelles, le 29 janvier 2018
Cheik FITA