« Faut-il que le patrimoine culturel africain emporté par les puissances coloniales regagne sa terre d’origine ?
Telle est la question à laquelle ont tenté de répondre cinq orateurs dont presque tous étaient des avocats, le lundi 24 septembre 2018 à 14h00, au siège d’AVOCAP Europe au 11, Boulevard Saint Michel dans la commune d’Etterbeek à Bruxelles.
C’était sur initiative de « Espace commun de développements individuels des Avocats » et l’association « l’Afrique du Palais de Bruxelles ».
Sous la modération de Maître Arnaud Lizop du barreau de Paris et Me Ghislain Kikangala du barreau de Bruxelles, les intervenants suivants ont confronté leurs vues :
- Me Yves-Bernard Debie, avocat au Barreau de Bruxelles, spécialiste en droit de l’art,
- Me Corine Herschkovitch, Avocate au Barreau de Paris, spécialiste en droit de l’art,
- Dr Volper, conservateur du Musée d’Afrique Centrale de Tervuren en Belgique, et maître de conférence à l'ULB
- Mr Olivier Sultan, Galeriste à Paris.
En France, le débat est très avancé suite à l’annonce par le président français Emmanuel Macron en novembre 2017 « de mettre en œuvre d’ici cinq ans des restitutions temporaires et définitives de biens culturels à l’Afrique ».
la Belgique ne pourra pas être épargnée par cette dynamique.
Le débat étant désormais sur la place publique, l’occulter serait une erreur. Il sied de l’approfondir, de le mener jusqu’au bout.
Durant l’échange qui a suivi les communications , en lieu et place de trancher par oui ou par non sur le retour ou non des œuvres là où elles ont été créées, un certain nombre de paramètres sont apparus et devraient être pris en compte :
- Chaque œuvre a sa propre histoire, son propre itinéraire : a-t-elle été donnée, achetée, pillée?…
- Les musées étrangers ont sauvé plusieurs œuvres de la disparition. Ce qui ne serait peut-être pas le cas si ces oeuvres étaient restées dans leurs pays d’origines,
- La restitution pure et simple des œuvres, est-ce la solution idéale dans le contexte actuel de la mondialisation et des facilités existantes de circulation des expositions des œuvres d’art, des solutions médianes sont-elles impossibles ?
- La démarche de certains pays d’où sont originaires les œuvres d’art est-elle une conséquence de réflexions et d’études très approfondies pour la faisabilité ou un opportunisme politique, voire pécunier?
Pour les observateurs quelques peu avisés, le marché des objets d’arts est en réalité un marché où sont brassés des milliards : par la valeur des objets d’art eux-mêmes, par les rentrées financières générées grâce aux activités connexes liées à leur exposition dans les musées et les différentes galeries d’art…
Et dès que l’argent entre en jeu comme c’est le cas, la réponse à la question de restitution des objets d’art devient complexe.
Par ricochet, certaines initiatives politiques deviennent suspectes.
Dans cette problématique, les pays africains pourraient avoir gain de cause si aujourd’hui déjà, ils adoptent une politique culturelle qui promeut la créativité et les créateurs d’aujourd’hui.
Oui, dans un ou deux siècles, les œuvres d’aujourd’hui, seront les œuvres d’il y a cent ou deux cents ans. Exactement ce que sont aujourd’hui les œuvres qui dorment dans les musées étrangers et qui suscitent tans de convoitises.
Les pays africains qui mènent la fronde sur le retour éventuel des œuvres issues de leur patrimoine culturel auraient à gagner en étant déjà des bons gestionnaires de toute la problématique de gestion de leur patrimoine culturel actuel : initiation à l’art dès le jeune âge, construction des centres d’expression culturelle, construction et bonne gestions des musées, promotion de l’art et de la culture ainsi que des créateurs des œuvres…Bref, la mise en place d'une vraie politique culturelle.
Bruxelles, le 25 septembre 2018
Cheik FITA