La rédaction
Une semaine après sa signature, une lettre adressée au Président Tshisekedi par un groupe d'ambassadeurs occidentaux essentiellement, a commencé à circuler dans les réseaux sociaux.
Elle concerne la demande de la réouverture des écoles en RD Congo, fermées suite à la pandémie de COVID-19.
Injonction polie?
Souci pour l'avenir des enfants congolais?
Dénonciation d'une insuffisance de la Task Force congolaise de COVID-19?
Critique du niveau de fonctionnement des structures congolaises de l'enseignement qui ne semblent pas prendre à sa juste valeur le rôle de l'école dans la société?
Dénonciation de la gouvernance congolaise de la base jusqu'au sommet?
Quand les diplomates s'expriment, ils essaient souvent de dorer la pilule. Mais en grattant un peu, on s'aperçoit rapidement qu'il y a un malaise et que les raisons profondes sont souvent amères.
Et là, ce n'est pas un seul diplomate qui a écrit!
Ci-dessous la dite lettre. A chacun de se faire une opinion.
Kinshasa, le 03 février 2021
Excellence Monsieur le Président de la République,
Au nom des Etats et organisations que nous représentons, nous souhaitons porter à votre connaissance que nous souscrivons à l’appel que l’UNICEF a lancé le 14 janvier dernier au gouvernement congolais à prendre en compte la priorité que revêtent la réouverture des écoles et toutes les mesures de prévention pour les rendre aussi sûres que possible.
Nous aimerions, de prime abord, vous adresser nos sincères félicitations pour l’attention particulière que vous avez manifestée au secteur de l’éducation en faisant de la gratuité de l’enseignement une politique phare de développement et de justice sociale.
Excellence, nous comprenons et respectons pleinement les décisions prises par les autorités congolaises pour faire face à l’épidémie. Ces mesures ont été courageuses et ont permis de diminuer les risques de contamination. Nos pays et organisations vous ont appuyé et ont montré la solidarité internationale pour lutter contre cette épidémie. Nous continuerons à le faire.
Alors que le pays fait face à une seconde vague de l’épidémie qui appelle à une vigilance et un respect des gestes barrières accrus, nous souhaitons toutefois respectueusement attirer votre attention sur l’impact à court et long terme de la fermeture des écoles sur l’apprentissage, la socialisation et le bienêtre des enfants, dans la lignée de la déclaration de l’UNICEF.
Les arguments du plaidoyer de l’UNICEF pour la réouverture des écoles nous semblent en effet fondés et pertinents. Des études récentes indiquent aussi que la fermeture des écoles et garderies est peu susceptible d’être une mesure de contrôle efficace sur la transmission communautaire du COVID-19 en l’absence d’autres mesures pour renforcer la distanciation, telles que les restrictions des grands rassemblements ou la fermeture d’autres lieux de réunion. En outre, la fermeture des écoles ne fournit pas une protection supplémentaire significative de la santé des enfants. C’est pourquoi, dans de nombreux pays, la décision de fermer les écoles pour contrôler la pandémie du COVID-19 n’est utilisée qu’en dernier recours.
En effet, la fermeture des écoles a un impact mental et éducatif négatif sur les enfants tant dans le présent qu’à l’avenir, ainsi qu’un impact économique négatif sur le pays, ce qui devrait l’emporter sur les avantages.
Au niveau du continent africain, les premières analyses tendent aussi à démontrer que suite à la fermeture des écoles le taux de décrochage scolaire augmente significativement en touchant principalement les filles. S’ajoute à cela une augmentation des violences envers elles.
Naturellement, les mesures appropriées de distanciation physique et d’hygiène doivent être appliquées dans les écoles et les autres milieux professionnels ayant des densités de personnes similaires.
Excellence, plus les enfants restent en dehors de l’école et sont privés des apprentissages ainsi que des effets positifs corolaires de l’éducation (tel que l’interaction avec leurs camarades), plusle creuset et la persistance des inégalités s’aggravent en touchant davantage les enfants des familles les plus démunies qui n’ont aucun autre moyen d’apprentissage.
C’est pourquoi, nous encourageons les autorités congolaises à réexaminer la décision de fermeture des écoles à l’aune de l’intérêt supérieur des enfants et des jeunes. Nous saluons à cet égard la décision déjà prise de rouvrir les universités dans certaines provinces du pays. Nous vous prions d’agréer, Excellence, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre plus profond respect.
Ambassadeurs
Jean-Marc CHATAIGNER - Ambassadeur de l’Union européenne François PUJOLAS - Ambassadeur de France
Roger DENZER - Ambassadeur de Suisse
Luca ATTANASIO - Ambassadeur d’Italie
Benoît-Pierre LARAMEE - Ambassadeur du Canada
Emily MALTMAN - Ambassadeur du Royaume Uni
Mike HAMMER - Ambassadeur des Etats-Unis Henric
RASBRANT - Ambassadeur de la Suède
Jon-Åge Øyslebø - Ambassadeur de la Norvège
Jo Indekeu - Ambassadeur de Belgique