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Le 14 janvier 2009, après avoir assisté au deuxième jour de l’audience CPI/Bemba, nous avions écrit ceci dans notre article intitulé "CPI : LE « DIESE » DE MORENO ASSAILLI PAR LES AVOCATS DE BEMBA"
"L’enjeu de cette affaire CPI/BEMBA n’est-il pas la réponse à la question suivante :
Le procureur Moreno a-t-il tiré ses conclusions à savoir poursuivre Bemba suite aux données en sa possession après enquête,
Ou, le procureur avait-il d’abord comme objectif d’attraper dans ses filets « un gros poisson » alors, il faut diligenter des enquêtes pour cela ?
L'acquittement de Jean-Pierre Bemba semble donner à cela. Que de temps perdus!
Si dessous cet article écrit et publié in tempore non suspecto.
CPI : LE « DIESE » DE MORENO ASSAILLI PAR LES AVOCATS DE BEMBA
Le public venu assister au deuxième jour de l’audience CPI/Bemba a eu droit à un flot immense d’informations tant du coté de l’accusation que du côté de la défense.
L’accusation a ouvert les hostilités avec des récits pathétiques des personnes ayant en principe été violés ou torturés ou tués : enfants, femmes, hommes. En conclusion de tous ces récits : « Motifs substantiels de croire qu’il y avait assez d’éléments » pour condamner Bemba…
Si le procureur a eu beaucoup de temps pour enquêter, rechercher les témoins, les interroger et ficeller son dossier de près de dix mille pages, la défense elle s’est donnée comme stratégie de se servir des propos des témoins du procureur afin d’y déceler des failles : contradictions, invraisemblances, anachronismes si pas tout simplement mensonges !
Ainsi, certains témoins, dont le N° 006 ou le n° 0036 étaient à l’époque des faits, des proches du chef rebelle Bozizé dont le coup d’Etat avait été condamné par l’Union africaine.
Aujourd’hui, ils sont des hauts responsables du pouvoir en place. Ils ont été pour le procureur Moreno, des éléments clés dans la recherche et la collecte des témoignages. Pouvaient-ils résister à la tentation de s’attribuer ainsi le beau rôle ?
Les détails sur leur situation actuelle dans le pouvoir de Bangui, ont poussé l’accusation à solliciter auprès de la juge-président un huis clos. Car, ils risquaient d’être reconnus. La CPI ne peut enfreindre ses propres principes à savoir : « Protéger les témoins. »
Accusations pour vols…
Dans la déclaration du témoin 026, la défense épingle les propos suivants :
« Nous n’avons effectué aucune descente, il n’est pas possible de vérifier si les vols avaient eu lieu. »
Ce témoin ayant été entendu pour confirmer les accusations de vol contre les soldats du MLC, il ne pouvait pas être là pour accuser et en même temps ne pas accuser.
Idem pour les accusations de fosses communes où l’on aurait jeté les victimes : il n’y a eu, ni descente sur les lieux, ni exhumation.
En ce qui est des accusations pour le viol, le témoin dont référence est ERM 0159 dit quelque part à peu près ceci : « Plusieurs jeunes prostituées se rendaient volontairement au camp des militaires de Bemba où elles avaient des copains… » Devrait-on alors les considérer comme des femmes ayant été violées ? En passant, nous signalerons que l’équipe du procureur s’offusquera de l’emploi par la défense du mot « prostituée ». Ce à quoi l’avocat de Bemba répliquera : « J’ai retiré ce mot dans votre propre rapport. Cela ne veut pas dire que je n’ai pas de respect pour celles qui pratiquent ce métier. »
L’accusation a plusieurs fois affirmé que les victimes ne pouvaient plus concevoir ou étaient atteintes du SIDA. Ainsi des documents médicaux avaient été délivrés. La défense de s’interroger : « Quelle es la fiabilité de ces documents …délivrés bien longtemps après les faits ?
Un autre témoin du procureur (40) dira : « Je ne suis pas au courant des viols et des tueries… » Harcelé pour qu’il dise la vérité, il ajoutera : « La vérité, est-ce de vous dire ce que vous voulez que je vous dise ? C’est moi qui y étais. S’il faut me poursuivre pour cela, je l’accepte. »
Des propos qui soulèvent des interrogations sont aussi celles du témoin n°7, actuellement refugié en Europe et qui avait avancé comme raisons pour son exil qu’il avait fui La Centrafrique en 2001, ayant peur que la victoire de Bemba risquait de ramener Mobutu au pouvoir au Congo. Et l’avocat de Bemba d’ajouter : « Alors que Mobutu était déjà mort depuis 4 ans ! »
BEMBA DONNAIT-IL DES ORDRES POUR LES CRIMES ?
Bemba est accusé d’avoir donné des instructions à ses hommes en Centrafrique. Directement sur terrain ? Pour le procureur, s’il y a eu des crimes, cela devrait être imputé à Bemba.
Les propos des témoins du procureur ne semblent pas étayer valablement cette thèse.
Ainsi le témoin 31 dit : « Les troupes du MLC en Centrafrique étaient sous la responsabilité du ministre de la défense qui en répondait directement du chef de l’Etat. »
Et plus loin : « Tout le monde rendait compte au chef de l’Etat, même les Banyamulenge » (ndlr : En Centrafrique, « Banyamulenge est devenu synonyme de « soldat congolais ! )
Plus loin encore : « Au moment des faits, Mr Patassé était le chef de l’Etat et à ce titre, il est de fait… Le chef des troupes de Bemba. »
Dans sa quête de prouver que toutes les accusations sont imputables aux hommes de Bemba, le procureur se livre à un exercice d’identification du soldat de Bemba : bottes en plastique, mal habillé, parlant mauvais français, parlant lingala, mal chaussés…
Ce qui poussera l’avocat de Bemba à balancer cette phrase :
« La cour pénale internationale est trop haute pour descendre au niveau des pieds et renifler. »
Collusion politique
Le pouvoir politique de Kinshasa a-t-il ou pas trempé dans cette affaire ?
Selon un document vidéo projeté, l’association congolaise JED (Journalise en danger) témoigne : un caméraman congolais pris en charge par l’ambassade du Congo en Centrafrique et payé 2000 € avait été mis à contribution pour filmer les différents sites qui serviraient de preuve au procureur de la CPI.
Alors, y a-t-il eu ou pas collusion politique dans cette affaire ?
Gravité des accusations
Me Kilolo, un des avocats de Bemba signale à la cour : « Les accusations de crime contre l’humanité sont très graves. »
Sous-entendu : Il sied parallèlement ,d’étayer ces accusations de preuves canons qui ne laissent la place à aucun doute.
Est-ce cela que l’accusation nous sert jusqu’à présent ?
Si la CPI doit être un rempart contre l’arbitraire, ne doit-elle pas en même temps éviter la tentation d’envoyer quelqu’un à l’échafaud sur base d’éléments approximatifs ?
Cela y va de sa crédibilité, elle qui est encore à la recherche de ses marques.
A l’issue de cette deuxième journée d’audience, un certain nombre d’éléments et de réflexions se dégagent :
Ne sommes-nous pas en présence d’une exagération des faits imputés au MLC ?
Bemba a été accusé de crimes très graves : crime contre l’Humanité, crime de guerre.
Il appartient à l’accusation d’étayer ses propos avec des témoignages et de preuves en béton et irréfutables.
Il appartient à l’accusation de démontrer que Bemba avait l’intention d’exécuter tous ces crimes, qu’il avait donné des ordres directement et mieux, qu’il était sur le terrain des opérations, suivant l’exécution du plan détails par détails, point par point, pourquoi pas, dressant un registre de toutes ces exécutions macabres ?
Il appartient à l’accusation de démontrer les dividendes politiques ou autres dont Bemba aurait tiré profit.
Il appartient à l’accusation d’être précis même dans l’usage de certains mots ou termes. Si en Centrafrique Congolais est synonyme de Banyamulenge, et si le lingala devrait être suffisant pour reconnaitre le congolais alors que cette langue est fortement véhiculée par notre musique, ce serait vraiment le bouquet ! Pourtant, cela fait partie de l’argumentaire de l’accusation !
L’enjeu de cette affaire CPI/BEMBA n’est-il pas la réponse à la question suivante :
Le procureur Moreno a-t-il tiré ses conclusions à savoir poursuivre Bemba suite aux données en sa possession après enquête,
Ou, le procureur avait-il d’abord comme objectif d’attraper dans ses filets « un gros poisson » alors, il faut diligenter des enquêtes pour cela ?
Nous souhaitons beaucoup que ce ne soit pas le dernier cas. Car cela risquerait fort de ressembler aux « dièses » que certains exilés fabriquent pour obtenir le statut de réfugiés. Beaucoup y parviennent. Mais d’autres sont également déboutés !
Cheik FITA
LA HAYE, le 14 janvier 2009