Lundi 18 janvier 2016 depuis Lubumbashi, Moïse Katumbi, dernier gouverneur de l’ex Katanga a lancé une idée pour pousser le régime de monsieur Joseph Kabila à respecter la constitution : prier Dieu à genoux durant deux minutes à midi chaque jour durant trois mois.
Le but ultime poursuivi par monsieur Moïse Katumbi est l’alternance à la tête du pays fin 2016. En termes vulgaires, mettre fin à un régime dont les dérives dictatoriales crèvent les yeux.
En quoi cette idée est-elle intéressante ? Face à la situation politique actuelle en RD Congo, ne peut-on pas faire mieux ?
Pour rappel, voici les propos de l’ancien gouverneur à cet effet: « « C’est un appel à la population congolaise. Je demanderai à tous les croyants, toutes les églises confondues, les musulmans, les catholiques, les protestants, les pentecôtistes, les églises de réveil, que nous puissions prendre le temps de prier notre Dieu pour le respect de la Constitution, le respect des délais constitutionnels et surtout pour la paix à l’est de notre pays,…C’est une année d’élections, une année pour laquelle nous devons tous nous mettre à genoux, chaque jour à midi. Ce n’est pas obligatoire, moi-même je me mettrai à genoux chaque jour à midi à implorer le Seigneur pour que nous puissions respecter notre Constitution, pour que nos dirigeants soient bénis par notre Dieu et que la population congolaise puisse retrouver la paix à l’est du pays. »
Frappés par une misère sans nom depuis des années, les Congolais sont très nombreux à s’être réfugiés dans la religion. Ils seront enclins à suivre ce mot d’ordre.
L’heure choisie est un moment symbolique de la journée : midi, l’heure du repas, pour ceux qui peuvent s’en offrir un en RD Congo.
Le motif est également sérieux : le respect des délais constitutionnels, les élections et la paix.
Cette mobilisation par la prière permettra-t-elle de bouger les lignes ? Ces prières pousseront-elles le régime congolais actuel à changer d’attitude ? A céder le pouvoir fin 2016 ?
Sans nécessairement mettre en doute le pouvoir de la prière, nous pensons que les politiciens congolais pourraient trouver mieux.
La RD Congo n’est pas le premier pays au monde à vivre sous la botte d’une dictature. Plusieurs peuples ont été à un moment ou à un autre confrontés à une dictature impitoyable. Comment s’en sont-ils sortis?
Nous avons trouvé utile de nous référer au cas d’un pays qui s’était retrouvé dans une situation presqu’analogue à celle de la RD Congo et qui avait dû recourir à une action similaire à celle de Moïse Katumbi pour se débarrasser de son dictateur : le Chili des années 70-80.
Le 11 septembre 1973 à l’époque où nous étions encore à l’université, il y eut au Chili un coup d’état sanglant qui défraya la chronique durant des années : Le général Augusto Pinochet avait renversé le gouvernement démocratiquement élu du socialiste Salvator Allende. Pendant ses 16 ans de règne, ce régime avait été caractérisé par des multiples atteintes aux droits de l’homme : tortures et assassinats des opposants, traque des activistes des droits de l’homme, des journalistes, des étudiants, des intellectuels, des syndicalistes... Interdiction des manifestations publiques et repression sanglante des manifestants…
Comment continuer à lutter dans ces conditions ?
Le peuple chilien recourut à une trouvaille géniale : le concert des casseroles.
« On manifesta dans les zones minières. On manifesta dans les quartiers ouvriers, dans les bidonvilles. On manifesta dans les campus universitaires. Mais on manifesta aussi beaucoup dans les quartiers aisés, voire dans les quartiers riches. Et toute la presse a rapporté que l'on entendit dans les quartiers habités par les classes moyennes des concerts de casseroles comparables à ceux qui, dix ans plus tôt, réclamaient la chute du gouvernement d'Allende. Mais cette fois c'était la chute du dictateur que l'on réclamait, aux cris de « il va tomber le dictateur ».
Et plus loin dans cet article on peut lire ceci : «Dans les années 1980, le concert des casseroles retentit une nouvelle fois au Chili. Mais cette fois, les Chiliens se servent de leur instrument improvisé pour dénoncer la dictature de Pinochet sans sortir dans la rue puisque toute forme de manifestation est sévèrement punie. Le régime impose également un couvre-feu sévère qui tue dans l'œuf toute tentative de dénonciation publique. «Les citoyens risquaient les coups de matraque et pouvaient même être tués», (José Del Poso).
Moralité ?
Pour compléter l’attitude de ceux qui prient, les organisations de la société civile en RD Congo peuvent bien s’inspirer de cette expérience chilienne avec des concerts de casserole, des klaxons autour de midi. Oui, concerts de casseroles pour signifier au pouvoir qu’à midi, la casserole du commun des citoyens est désespéramment vide. »
Le concert des casseroles vides à midi, les klaxons de voiture… Seront bien entendus par la soldatesque du pouvoir ainsi que par les dirigeants qui cherchent par tous les moyens à rester au pouvoir.
Bruxelles, le 22 janvier 2016
Cheik FITA